lovelorn rhapsody -r.

Se rendre jusqu’à la falaise la plus haute n’était pas une tâche des plus faciles. La pente était raide, rocheuse et escarpée, ce qui donnait du fil à retordre aux braves aventureux qui tentaient de se rendre au sommet. Caileigh et moi étions, en cette fin de journée, de ces gens-là. Je me retournai après un moment pour m’assurer que la brunette suivait toujours, la trouvant à quatre pattes dans la côte, les deux mains sur des roches, escaladant du mieux qu’elle le pouvait l’endroit. J’éclatai de rire. « Tu sais que t’es pas à 90° ? Tu peux marcher à deux pattes, t’en as encore la capacité. » Lançais-je d’un ton moqueur, la comparant actuellement à un animal ou alors à un humain en pleine régression. Pourtant, Caileigh était bel et bien la femme la plus à l’aise en nature que je connaissais. Cette falaise était difficile à monter pour n’importe qui, voilà tout. Moi-même j’avais perdu l’équilibre à maintes reprises en montant depuis une dizaine de minutes. Elle me lança un regard noir, ce qui ne fit qu’accentuer mon rire. Je l’aimais bien, cette fille. Peut-être un peu plus que prévu, même. J’avais effectivement eu comme plan d’en faire une des filles des qui je serais le plus proche dans ma vie, étant donné qu’on se ressemblait tellement sur un tas de points et d’intérêts communs. Je m’étais surpris à me sentir bien plus proche d’elle que je n’aurais voulu me laisser aller. Parce que maintenant ces sentiments que je ressentais venaient grandement compliquer ma relation avec elle, même si Caileigh n’en savait pour le moment rien du tout. Je ne savais d’ailleurs pas si je devais lui en parler, étant donné que côté amoureux, la demoiselle était aussi volage que moi. Incapable de se caser, peut-être par peur de l’engagement ou par désintérêt. Nous n’étions tous les deux pas en mesure de conserver une relation sérieuse bien longtemps. Je voyais donc mal comment une relation pourrait fonctionner entre nous deux, deux êtres socialement fêlés. Bref, je recommençai à marcher, et soupirai en constatant que nos deux chiens étaient encore allés se foutre juste à côté des falaises, là où ils risquaient de tomber et de mourir sur le coup de l’atterrissement. « Halcyon ! Théo-le-chien !! Revenez ici espèce de fous ! » Tels maîtres, tels chiens, faut croire. Alors que les deux bêtes revenaient en courant vers nous, Halcyon poussa carrément mon pitou pour être le premier. J’eus un regard offusqué. « Hé, c’est quoi cette merde ? Apprends à ton chien à respecter les autres, c’est un petit con lui. » Lançais-je à l’adresse de Caileigh. Nos chiens étaient nos compagnons les plus fidèles. Si j’insultais le sien, elle le défendait, et vice-versa de mon côté également. Après dix autres minutes de montée intensive, nous arrivâmes finalement au sommet de la plus haute falaise de Sailbrooks. D’en haut, les habitants étaient des fourmis. Je souris à leur vue. Puis je contemplai le soleil qui se couchait de l’autre côté de l’océan, nous laissant un ciel rosé et orangé des plus magnifiques. Je levai mes bras en l’air. « Je suis le roi du monde ! » Criais-je à pleins poumons. Tout le village devait avoir entendu – comme à chaque fois que je me rendais jusqu’en haut. Ils savaient tous qu’il s’agissait de moi. Quand Caileigh fut arrivée à mes côtés, je passai mon bras autour de ses épaules et déclarais-je : « Et toi, t’es ma reine. » Et je posai mes lèvres sur le dessus de sa tête, tout près de son front.

La journée avait été éprouvante. Caileigh avait certes fait deux visites de la forêt à des touristes très sympathique, mais ce n'est pas ce qu'elle avait retenu de ce jour. Elle avait avant tout eu une discussion des plus mouvementées avec Aaron. Un de ses ex. L'homme qui s'en le savoir, était celui qu'elle aimait plus que tout... Mais après la journée qu'elle avait passé, Caileigh n'était pas prête à se l'avouer. Il lui avait plombé l'humeur à tel point qu'elle avait hésité à répondre par la positive lorsque Jackson, son meilleur ami, lui demanda si elle voulait aller se promener sur les falaises. Chose qu'elle adorait faire et auxquelles elle répondait toujours présente. Elle aurait bien dit non mais en rentrant, elle vit dans les yeux d'Halcyon, son chien, une lueur d'espoir, comme si il savait qu'il allait peut être pouvoir se défouler en cette fin de journée. Elle se dit que ça ne lui ferait pas de mal non plus et elle pourrait jeter toute sa rage dans cette pente horrible. Ce qu'elle fit. Jackson ne se priva d'ailleurs pas pour se moquer d'elle. Il fallait dire qu'à part Jackson, personne n'avait assez de force pour monter ces falaises avec autant de facilitées. Ou alors c'était un très bon acteur. Elle s'apprêtait à lui répondre qu'elle avait passé sa journée à faire le tour de la forêt pour des touristes ce qui était une très bonne excuse sur le fait qu'elle soit fatiguée mais elle s’abstint, préférant ravaler son excuse et lui montrer qu'elle montrait cette putain de falaise sans broncher. Ils avaient le même caractère, se comprenaient, se complétaient sur bons nombre de chose et Caileigh adorait ça. Elle avait l'impression d'avoir trouvé son double, version masculine et ça lui faisait plaisir. Aucun besoin de se justifier sur son manque d'affection envers autrui, sur sa facilité à faire les choses avec autant de détachement. Bref, Jackson était la personne avec qui elle se sentait le plus elle même et elle l'en remerciait pour ça. Il était toujours la pour elle, Jackson. « La prochaine fois que tu traites mon chien de merde, je te les brise! Et tu sais que je ne rigole pas! » lança t elle avec un regard noir en essayant de le choper par le sweat mais n'attrapant que de l'air, ce dernier étant bien trop loin d'elle. Arrivant enfin en haut de la falaise, Caileigh en eu, comme à chaque fois, le souffle coupé. La vue était magnifique. Il n'y avait pas de mot, à ses yeux pour décrire la beauté des lieux. Beaucoup critiquait Sailbrooks, disant qu'à part être une ville de pêcheur elle n'avait aucun attrait, mais la jeune brune était bien loin de cet avis. Ecoutant son ami alors qu'il passait son bras sur ses épaules, Caileigh eu un petit sourire et respira profondément l'air pur que la nature leur offrait. « Et bien je n'imagine même pas nos pauvres enfants, avec des parents comme nous! » pouffa t elle. Jackson et Caileigh en roi et reine, ça aurait pu donné quelque chose de très comique. « On est pas bien la? Seul avec la nature. Profitons en avant qu'on nous détruise tout cela... » dit elle dit voix tout d'un coup bien plus triste et nostalgique en repensant à sa confrontation avec Aaron, quelques heures plus tôt...

Spoiler:

Je rigolai à la menace de Caileigh, même si je savais effectivement qu’elle était sérieuse. Voilà ce que j’aimais de la jeune femme ; elle n’était pas une princesse. Certes elle en avait la beauté, mais elle savait aussi très bien se défendre, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et elle faisait entendre sa voix. J’aimais une femme avec autant de caractère. Il n’était donc pas surprenant qu’elle faisait battre mon cœur un peu plus vite qu’en compagnie d’autres personnes. Elle avait la plupart des qualités recherchées, et même si elle était un peu casse-pieds à cause de tout cela, sa présence me réconfortait en quelque sorte. « D’accord, d’accord, j’dirai plus rien sur ton clébard. » Ce simple mot était déjà péjoratif alors je fis mine de regarder au ciel en sifflant. Puis elle tenta de m’attraper par le sweat en vain, étant encore trop bas par rapport à moi. J’éclatai d’un rire moqueur et amusé. J’aimais bien quand on se taquinait de cette façon. J’espérais seulement que pour Caileigh, c’était également un jeu. Je ne voudrais quand même pas commencer à lui taper sur le système.

Nous arrivâmes finalement au sommet, malgré ces petites piques et nos essoufflements. J’avais les mollets en feu, comme à chaque fois que j’escaladais ces falaises, mais cela me faisait sentir encore plus puissant. Je criai finalement aussi fort que je le pouvais que j’étais le roi du monde, passant par la suite mon bras autour de la brunette quand elle me rejoignit enfin. Elle sourit quand j’embrassai son cuir chevelu, ce qui me fit sourire à mon tour. Je rigolai à sa réponse face au fait qu’elle était ma reine. « Non mais arrête. On serait les parents les plus awesome du monde. » Et je le pensais. Deux sportifs, deux bouffons à leurs moments, mais en même temps des gens respectueux, intelligents et sérieux quand il le faut. Nos enfants seraient des modèles de bonheur et de santé à suivre, j’en étais persuadé. Mais je n’allai pas plus loin dans mon analyse de peur d’effrayer Caileigh, et qu’elle croit réellement que je voulais un futur familial avec elle. Même si c’était peut-être le cas, elle n’avait pas à le savoir, surtout pas maintenant. La demoiselle avoua ensuite se sentir si bien, là, avec la nature. Puis elle parla du moment où on détruirait cela. « C’est qui, « on » ? Et pourquoi crois-tu qu’un jour cette nature nous sera enlevée ? » Lui demandais-je, les sourcils froncés. Pour moi, Sailbrooks était un petit coin de paradis et je ne laisserais personne, de mon vivant, toucher à sa beauté naturelle. Après, si Caileigh parlait de quelque chose de plus fort, de plus puissant et de plus sombre que la main de l’homme, je ne saurais quoi en penser …