restart (aaron)

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restart.

Cela faisait à peine deux semaines que la jolie blonde était arrivée à Sailbrooks. Trente ans, mais pas du tout l’air de les avoir, elle logeait pour le moment à l’Everwood Resort. Un tout nouveau départ s’offrait à elle sur ce continent. Elle avait eu la chance d’acquérir assez rapidement un travail. En effet, voilà deux jours qu’elle est serveuse à l’Algae Café, une reconversion pour cette ancienne assistante juridique, mais nécessaire. Raakel s’était rapidement préparée ce matin. Cheveux ramassés, fond de teint masquant les restes de ses bleus, mascara et une pointe de rouge à lèvre légèrement rosé. Son miroir ne lui servirait pas plus aujourd’hui. Elle s’était vêtue d’un t-shirt à manche longue noir – afin de masquer ses bras – et à décolleté carré sur un jean et une paire de spartiate aux pieds. Elle ne se mettait pas particulièrement en valeur ses derniers temps. Elle désirait se fondre dans la masse. La journée commençait de bonne heure pour la demoiselle qui entamait son service dès l’ouverture à 6h du matin pour servir les lève-tôt et les travailleurs de matin ou ceux ayant fini leur garde. Cela ne se bousculait pourtant pas trop au portillon ce qui faisait qu’elle pouvait s’y atteler tranquillement pour son second jour.

Elle respirait mieux, l’air semblait moins lourd ici qu’au Danemark. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de regarder régulièrement par-dessus son épaule. Même si elle ne le montrait pas, elle avait toujours la frousse. Une peur qui allait sans doute perdurer quelques temps, le temps qu’elle se sente rassurée, en confiance, avec l’angoisse d’être traquée dissipée. Le jour se levait, le soleil faisait son apparition apportant une douce chaleur. Quelques courageux s’installait déjà en terrasse pour déguster leur boisson chaude. Elle venait tout juste de débarrasser la table la plus ensoleillée qu’un jeune homme vint y prendre place. Raakel revint alors prendre sa commande. Elle avait une voix plutôt douce mais un peu éraillée avec un léger accent. « Bonjour, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » Il avait un très joli visage, une belle chevelure brune et des yeux gris absolument envoutant. Pourtant, malgré qu’elle l’ait remarqué, elle ne l’observa pas plus que cela. Elle n’était certainement pas encore prête à courir les pantalons – à défaut des jupons –. Il lui fallait d’abord reprendre sa vie en main, contrôler à nouveau son existence. Elle avait le grand besoin de réapprendre à vivre, d’être libre, à nouveau.

♢ ♢ ♢
I've seen the world. Done it all, had my cake now.

Aaron avait besoin de son rituel pour bien commencer la journée autrement dit de son café. Il décida de retourner dans l’endroit qu’il connaissait bien autrefois. Le regard des gens sur lui ne le touchait pas. La moitié des gens lui en voulaient et l’autre moitié étaient intéressés par quelque chose. Ils ne comprenaient pas pourquoi il agissait ainsi. C’était bien dommage, mais il ne comptait pas se fatiguer à l’expliquer à nouveau. Tout ce qu’il voulait c’était s’asseoir et boire son café en paix. Il s’installa au fond de la salle et sortie son ordinateur. La wifi existait désormais dans cette ville alors autant l’utiliser. Une chose était sure si ça continuait comme ça il allait cesser totalement de se soucier de la ville et mettre son plan à exécution. Il en avait assez de ses ingrats qui n’essayent pas de comprendre sa vision des choses. Certes c’est aussi quelque chose pour arriver à dormir la nuit, mais au moins lui dormait comme un bébé. Il n’allait pas les laisser se mettre en travers de sa route. Sa carrière était plus importante que tout. Rapidement une serveuse vint prendre sa commande. Il ne l’a connaissait pas et la trouva immédiatement très agréable à regarder même si elle semblait porter tout le fardeau du monde sur ses frêles épaules. « Bonsoir. Je prendrais un expresso et un muffin s’il vous plait. » Lui dit Aaron avec un sourire. Il regardait les autres dans les yeux. Il n’avait pas d’hésitation. Elle le servait certes, mais elle était aussi humaine. De plus quelque chose en elle était spéciale. Cet air fragile qu’on a envie de protéger coute que coute. A son retour Aaron décida de lui poser la question qui lui brulait les lèvres depuis qu’elle avait pris sa commande. « Vous êtes nouvelle en ville pas vrai ? » Lui demanda le jeune homme. Il avait beau être parti durant des années il reconnaissait les nouveaux visages. Il était aussi attentif aux langages corporels et le fait que la jeune femme ne se sente pas aussi à l’aise que les autres démontraient une certaine nouveauté. Il n’avait pas le plaisir de la connaitre. Il espérait que ça changerait. Sans oublier qu’il détestait prendre son café seul. Il avait l’habitude d’être accompagné et il n’avait peur de rien. Il espérait qu’elle ne prenne pas mal sa question. Aaron était curieux. D’ailleurs le fait qu’elle ne le dévisage pas lui donnait raison. Si elle le connaissait elle le regarderait de travers comme le reste de la ville pour ce qu’il est en train de faire. Ça faisait du bien de rencontrer quelqu’un de nouveau.

Le jeune homme ne mit pas longtemps à choisir sa commande. Soit il était un habitué, soit il savait exactement ce qu'il voulait.  « Bonsoir. Je prendrais un expresso et un muffin s’il vous plait. » Elle le nota dans sa tête et répondit « Très bien, je vous apporte ça ». Elle alla derrière le comptoir afin de faire couler l'expresso. Les bruits de la machine à café envahissaient l'intérieur tout comme l'odeur du café fraîchement passé. Elle attrapa un muffin et le posa sur une assiette. Elle alla apporter deux cafés allongés à une table avant de se rediriger vers celle du bel homme. « Et voilà. Pour le muffin, je me suis permise de choisir le parfum vu que vous n'aviez pas préciser. Pistache, noisettes et chocolat, j'espère que cela vous conviendra. » précisa-t-elle en posant l'assiette devant lui. Raakel les avait préparés elle-même le matin même, elle avait voulu apporter une touche différente aux muffins classiques et au parfum unique que l'Algae Café proposait. Elle sentait son regard sur elle alors qu'il lui posait une question « Vous êtes nouvelle en ville pas vrai ? » Elle esquissa un léger sourire mais qui ne dura pas « En effet, cela se remarque tant? » Certes, elle n'avait jamais été vraiment serveuse avant, mais elle avait l'impression de ne pas trop mal se débrouiller. Pourtant, celui-ci semblait avoir tout de suite remarqué sa "nouveauté". Il fallait aussi avouer, Sailbrooks n'est pas la plus grande ville du monde et ceux qui y vivent depuis longtemps voir toujours paraissent connaître tous ses habitants. Elle se dirigea vers la table voisine pour y récupérer les tasses et passer un coup de propre dessus. Ainsi, le brun pouvait toujours discuter un peu avec elle sans qu'elle n'arrête son travail.
Mais soudainement, patatras. Les tasses qu'elle tenait finirent sur le sol, en morceaux. Un de ses collègues avait eu la bonne idée de lui faire peur en arrivant derrière elle et en l’agrippant légèrement. Une sorte de bizutage pour la nouvelle. Autant dire que celle-ci avait sursauté, les tasses avaient fini par terre et une claque avait volé dans l'air. Réflexe. Elle porta sa main à sa bouche ébahis face à son collègue qui n'en revenait pas de s'être pris une baffe. « Basile, je suis désolée. » Il bougea légèrement sa mâchoire pour voir si sa joue avait encore quelques sensations. Il était quelque peu furieux mais il l'avait cherchée. Quant à Raakel, elle se baissa tout aussi rapidement pour ramasser les morceaux éparpillés. C'était une chose qu'elle savait faire. C'était régulier lorsqu'il était saoul. Fort heureusement, elle avait contrôler ses excuses puisque bien évidemment, là-bas c'était toujours sa faute, là-bas elle se sentait responsable, là-bas elle avait peur. Basile partit à l'arrière pour se préparer pour son service laissant Raakel ramasser. Elle ne dit rien, c'était de sa faute, elle avait été si maladroite. D'ailleurs elle ne cessait de se le répéter à voix basse, si basse que cela ne semblait qu'un murmure. « Idiote tu es si maladroite. » Et ce qui avait pu arriver arriva, elle se coupa la main avec un des morceaux. Elle trésaillit un peu, mais comme si rien ne s'était passé, elle continua de ramasser.

Aaron appréciait la jeune serveuse parce qu’elle était sympathique. Ça lui faisait du bien par rapport aux autres personnes. Il n’était pas un robot il avait besoin de courtoisie de temps en temps. L’attention de la jeune femme l’étonnait. Dans le coin moins les gens en faisaient mieux ils se portaient. Elle ne devait vraiment pas avoir entendu parler de lui ce qui était une bonne chose sinon il n’aurait pas pu manger ça de peur qu’elle ait craché dedans. « C’est parfait, merci. » Lui répondit Aaron avec un sourire. La jeune femme semblait surprise qu’il s’aperçoive aussi rapidement qu’elle soit nouvelle. Il avait beau ne pas avoir été là durant les dernières années il n’y avait pas énormément de nouveaux. On faisait vite le tour et c’était ennuyeux à la longue. Elle semblait changer la donne par sa présence. « J’ai vécu ici la majeure partie de ma vie. Je reconnais les petits nouveaux. » Lui expliqua le jeune homme avant de laisser échapper un petit rire. Il se demandait vraiment ce qu’une aussi jolie jeune femme venait faire dans le coin.  Il avait tout fait pour ne jamais revenir. Apparemment elle était ici de son plein gré. Elle suscitait alors sa curiosité. Elle devait avoir de bonnes raisons. Il ne comprenait pas comment on pourrait vouloir rester dans le coin. Il était obligé pour sa famille pour le moment. Il avait déjà hâte de repartir. En particulier parce que la moitié de la ville essaye de le chasser pour ce qu’il fait dans la vie. « Je peux vous demander ce qui vous a amené ici ? » Lui demanda Aaron. Il espérait qu’elle ne le prenne pas mal. Il ne voulait pas se mêler de ce qui ne le regardait pas. Il tentait sa chance. Le pire truc qui puisse arriver c’est qu’elle mente ou qu’elle dise non. Soudain un collègue de la jeune femme s’amusa à lui faire peur. Elle fit tout tomber et eut comme réflexe de le gifler. Aaron n’en croyait pas ses yeux. Elle avait du répondant derrière ce visage d’ange. Ça lui plaisait. Il se baissa pour l’aider à ramasser lorsqu’elle se coupa. Le sang arrivait rapidement, mais c’était superficiel. Aaron ne pouvait pas l’aider à ramasser il y avait plus urgent. Il lui pris le bras et se contenta de lui dire : « Venez avec moi, vous vous êtes coupé. » Il connaissait assez bien l’endroit pour se permettre d’aller en cuisine chercher la trousse de secours. Il se montrait prévenant contre toute attente. D’ailleurs pendant qu’elle passait sa main sous l’eau il alla chercher un désinfectant ainsi qu’un pansement.  Il avait déjà été maladroit alors il savait comment agir. Il revint vers la jeune femme et l’aida à se soigner. « Si vous voulez mon avis c’est lui l’idiot pour vous avoir fait peur. Il le méritait. » Lui fit remarquer Aaron avec un sourire en coin. Il pensait ce qu’il venait de dire. L’autre idiot avait beau être énervé il n’avait pas à agir de la sorte. Le répondant de la jeune femme était justifié. Il se demandait quand même d’où ça venait. Il fallait se méfier des apparences.

La gifle était partie toute seule. Elle avait retenu ses coups depuis tellement de temps qu'il semblait que maintenant, ils partaient d'eux même. Elle n'avait aucune envie de revivre ce qu'elle avait vécu et parfois un simple bruit, un simple geste la faisait revenir à cette époque pas si lointaine que ça. Elle  n'avait pas eu le temps de répondre à son client par rapport au fait de sa présence ici. Les évènements s'étaient enchaînés jusqu'à la coupure. Elle s'était entaillée la paume de la main avec un morceau de tasse cassé et alors qu'elle n'avait rien demandé, elle fut emporté à l'arrière par le jeune homme alors que les mots qu'il disait arrivaient à ses oreilles. « Venez avec moi, vous vous êtes coupé. » Elle ne dit rien et le laissa faire, surprise tout de même. Elle avait fermé le poing et plié son bras mais le sang coulait tout de même dans sa manche. Passant la main sous l'eau, elle reprit quelque peu ses esprits alors que le jeune homme ramenait des pansements et du désinfectant. « Si vous voulez mon avis c’est lui l’idiot pour vous avoir fait peur. Il le méritait. » Raakel s'adossa au plan de travail alors que son interlocuteur qui pour le moment faisait plus un monologue lui désinfectait sa plaie. Elle eut un mouvement de recul au contact du produit sur sa plaie, ramenant sa main près de son corps à cause de picotement que procurait le désinfectant. Certes, elle était habituée à pire, mais quand on se soigne soi-même, on ressent toujours la douleur différemment. « Excusez-moi. » dit-elle en le laissant reprendre sa main bien qu'une certaine appréhension se faisait tout de même sentir. « Je suis tellement gauche parfois. Et j'ai réagi sans doute un peu trop fort. Ce n'est qu'une sorte de bizutage de nouvelle employée après tout. Même si cela est vrai que ce n'était pas très fin. » ajouta-t-elle en esquissant un léger sourire. Le sang s'était répandu jusqu'à son coude mais elle n'avait pas pour autant relevée sa manche. Et pour cause, elle gardait encore des traces de bleus qui n'avaient pas tout à fait disparus et quelques légères cicatrices de brûlures ou de coupures. Elle était bien heureuse de savoir camoufler ceux et celles qui étaient visibles. Cela lui était presque étrange qu'un homme prenne soin de ses blessures, elle était habituée à cette brute avant si douce. « C'est très aimable à vous en tout cas. Vous semblez bien connaître le lieu. » En effet, il l'avait amenée à l'arrière comme si l'endroit était à lui. A moins qu'il y ait travaillé fut un temps lorsqu'il était encore étudiant, afin de payer ses études ou des voyages ou d'autres choses encore. « Pour en revenir à votre question, puisque nous avons été coupés; je ne sais pas vraiment ce qui m'a amené ici. Quelle est votre expression pour cela déjà, portée par le vent? » dit-elle. Le jeune homme dont elle ne connaissait le nom terminait le bandage. Sur le coup, elle fut alors heureuse que cette blessure soit à sa main droite et non gauche. Quel mouvement de recul aurait-il eu en s'apercevant qu'elle n'avait pas d'auriculaire à la main gauche et donc seulement quatre doigts. Elle ne doutait cependant pas de sa bonne âme, bien qu'elle se méfie des hommes aujourd'hui. Il était aimable et doux et serviable avec elle en cet instant, mais qu'en serait-il demain?